Dans les villages bordant la vaste plantation d’hévéas de SudCam au Sud Cameroun, le contraste entre les promesses initiales et la réalité actuelle est saisissant. Plus de dix ans après l’implantation de cette filiale d’Halcyon Agri Corporation Limited, les communautés locales font face à une transformation radicale de leur environnement et de leur mode de vie.

 

Des débuts prometteurs, une désillusion rapide

La signature d’une convention entre le gouvernement camerounais et SudCam laissait entrevoir un avenir radieux pour les arrondissements de Meyomessala, Meyomessi et Djoum. Création d’emplois, réduction de la pauvreté, augmentation des exportations : les promesses ne manquaient pas.

 

“On nous a promis monts et merveilles une fois que la plantation serait implantée” confie un chef de village, préférant garder l’anonymat. La réalité s’avéra bien différente.

 

Une cohabitation difficile 

Les premières années ont été marquées par des tensions. Si SudCam a initialement compensé la perte de terres par des distributions de denrées alimentaires, les retombées économiques tant attendues ne se sont pas matérialisées pour les riverains.

 

En 2018, face aux critiques croissantes, SudCam mandate l’association APIFED pour évaluer les besoins locaux. Cette initiative aboutit à quelques améliorations telles que le renforcement du système de santé et la mise en place de lignes de bus pour faciliter l’accès à l’éducation et aux marchés.

 

Cependant, ces efforts se sont progressivement essoufflés. Les bus ont disparu, les écoles et centres de santé ne reçoivent plus de financement. “Nous nous sentons abandonnés” déplore une riveraine de la plantation.

 

La convention de 2022 : un espoir déçu

Face à la montée des tensions, SudCam a sollicité en 2022 l’élaboration d’une convention avec les communautés locales. Signée par 23 chefs de village, cette convention détaille un certain nombre de mesures essentielles à l’établissement de conditions de vie pérennes pour toutes les populations riveraines de la plantation. Y figure notamment les besoins en matériaux et équipement agricoles pour favoriser l’agriculture et compenser la perte des forêts ; mais aussi des demandes spécifiques d’éducation pour permettre aux personnes qui ne sont pas employées par la plantation, majoritairement des femmes, de développer leurs revenus. Malgré les efforts de concertation des communautés locales et les tentatives de négociation avec l’entreprise, la convention reste lettre morte, SudCam n’y ayant toujours pas apposé sa signature.

 

“On est lésés”, s’indigne un leader communautaire, “ce que nous voulons, c’est que Sudcam nous écoute et nous comprenne, ce que nous voulons c’est que l’on respecte nos droits.”

 

Un bilan en demi-teinte

L’enquête menée sur le terrain révèle une longue liste de promesses non tenues :

  • Absence de recrutement et de formation des autochtones
  • Manque d’accès à l’eau potable
  • Insuffisance de soutien aux infrastructures locales
  • Abandon de l’accompagnement spécifique promis aux peuples Baka, une communauté indigène dont le mode de vie était intimement lié aux forêts et brousses détruites par SudCam.

 

De plus, des soutiens initiaux ont été supprimés, comme le paiement des salaires des enseignants et infirmières, la fourniture de denrées alimentaires variées ou la fourniture d’engrais aux agriculteurs.

 

Les communautés appellent au dialogue

Malgré ces défis, les communautés riveraines de SudCam ne baissent pas les bras. Leur demande est claire : restaurer un dialogue pour permettre le respect de leurs droits fondamentaux.

 

Un porte-parole des villages concernés explique :

Les communautés demandent simplement une amélioration significative de leurs conditions de vie, la restitution de leurs terres, ainsi qu’un accès aux forêts qui font partie intégrante de leur patrimoine spirituel et culturel.

 

Aujourd’hui, les communautés riveraines ont mis en place une pétition pour amplifier leurs demandes et réussir à enfin renouer un dialogue avec SudCam, établissant un point de départ pour une cohabitation saine entre tous les acteurs du territoire. 

 

L’histoire de SudCam au Cameroun illustre les défis complexes liés à l’implantation de grandes entreprises dans des régions traditionnelles. Elle souligne l’urgence d’un dialogue sincère et continu entre les acteurs économiques et les communautés locales pour un développement véritablement durable et équitable.

 

Alors que SudCam reste silencieuse, la question demeure : l’entreprise saura-t-elle renouer le dialogue et honorer ses engagements envers les populations qui l’accueillent depuis plus d’une décennie ?